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André Hot : « Rentrer en Afrique demande de faire preuve d’adaptation et d’implication »

Comment préparer son retour en Afrique après plusieurs années passées à l’étranger? Les institutions et entreprises africaines proposent-elles un bon cadre aux étudiants afin de rester après leurs études secondaires? André Hot, Architecte Carrières et expert en mobilité sur le continent africain s’adonne à répondre à ces questions pour 14km.

POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER ET NOUS PARLER DE VOTRE PARCOURS ?

Je suis André Hot, dorigine camerounaise, actuellement directeur en charge du recrutement et du développement de la mobilité en Afrique centrale et ouest, à Aivancity School for Technology Business and Society, où je couvre dix pays. En parallèle de cela, jinterviens en tant que coach et Architecte Carrières en mobilité où jaccompagne étudiants et adultes en insertion ou en reconversion professionnelle. Je participe également à de multiples conférences, sommets, traitant de la problématique de la mobilité hors et intra Afrique

En termes de parcours, jai poursuivi un cursus dingénieur en l’informatique, dont j’ai été diplômé par l’Institut d’ingénierie de Limoges. Vers la fin de mes études, j’ai découvert un attrait pour l’éducation et l’emploi : je voulais accompagner des jeunes et moins jeunes dans leurs carrières. J’ai donc commencé chez Campus France (Cameroun), où je m’occupais de la mobilité pour l’enseignement supérieur français. J’ai par la suite travaillé au lycée Dominique Savio, au sein duquel j’étais en charge de l’éducation ainsi que de l’orientation ; avant d’intégrer l’école de Management de Lyon en tant que consultant manager, pour laquelle j’étais en charge du recrutement du Cameroun et de quelques pays en Afrique centrale. 

VOUS MENTIONNEZ RÉGULIÈREMENT LE BESOIN D’AVOIR UN IMPACT AU SEIN DE LA VIE DES INDIVIDUS. POURRIEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS SUR L’ORIGINE DE CET INTÉRÊT ?

Je dirais tout dabord que jai toujours ressenti un besoin dêtre au contact de lhumain : jaime découvrir et apprendre des gens. Ensuite, je pense que lAfrique a du potentiel et quavec lensemble de nos compétences, il est possible de construire lAfrique que nous voulons.

Par ailleurs, dun point de vue personnel, je pense quen fin de compte, il est important de prendre du recul, de se demander ce que lon a fait et ce quil reste de nos différents accomplissements. Il ne sagit pas de bien gagner sa vie, mais également de donner de la valeur à nos actions.

EN TERMES DE MOBILITÉ, LES ÉTUDIANTS AFRICAINS, SE SITUENT AVEC LEURS HOMOLOGUES ASIATIQUES COMME LES PLUS MOBILES. SELON L’UNESCO, 1 ÉTUDIANT SUR 16 POURSUIT SON CURSUS HORS DE SON PAYS DE RÉSIDENCE. CETTE TENDANCE DITE DE « FUITE DES CERVEAUX » NÉE AU LENDEMAIN DES INDÉPENDANCES EST-ELLE UN PHÉNOMÈNE DONT ON DOIT S’INQUIETER ?

Ils partent parce quils souhaitent de meilleures opportunités. Et, il est vrai que dans le cas de nombreux étudiants africains, beaucoup lorsquils en ont les moyensoptent pour des pays comme la France, les ÉtatsUnis ou encore le Canada

Je pense quil faudrait laisser loccasion et le choix à chaque famille de guider ses enfants comme elle le souhaite, surtout lorsque le projet professionnel de lenfant est en adéquation avec ce départ à létranger. Pour de nombreux parents africains, les études postbac représentent de nombreux sacrifices financiers. Ainsi, si ils ont la capacité de le faire, et quils ont identifié un écosystème qui pourrait correspondre aux projets professionnels de létudiant, notre travail est dêtre une passerelle, et surtout dorienter et daccompagner les étudiants et leurs parents dans ce but

POURQUOI CE PHÉNOMÈNE EST-IL SI EXACERBÉ POUR LES PAYS AFRICAINS?

Il y a de nombreux environnements en Afrique qui noffrent pas nécessairement une éducation de qualité. Dans les Carrières Centers, on remarque par exemple, que lintégration postdiplôme pour les étudiants français est entre 0 et 6 mois, avec des stages, des alternances, qui leur permettent dintégrer des environnements professionnels au sein desquels ils peuvent tester des choses, rêver, et développer différentes solutions pendant quils se forment encore. Cest, fondamentalement, ce quil manque aux universités africaines qui pour la plupart nont pas créé denvironnements nécessaires à lépanouissement professionnel de leurs étudiants

De plus, je pense quil sagit dun problème relatif à la synergie des différentes cellules de la société. En Afrique, les entreprises attendent que les diplômés sortent avec des compétences, lorsque les parents ont totalement délégué tout laspect des formations au système éducatif. Quant aux gouvernements, ils ont le rôle et la responsabilité de rendre leur destination attractive, et mettre en place des conditions saines où les choses se développent. Chaque partie prenante a un rôle à jouer

BEAUCOUP DE MEMBRES DE LA DIASPORA AFRICAINE EN FRANCE, CRAIGNENT CE RETOUR AU SEIN DE LEUR PAYS D’ORIGINE PAR SOUCI DE NE PAS AVOIR LE MEME CONFORT DE VIE, LA MEME VALORISATION SALARIALE, LES MEMES CHALLENGES. DANS QUELLES MESURES EST-IL POSSIBLE DE PERMETTRE UN SHIFT DE PARADIGME?

Je pense tout dabord quil ne faut pas tout généraliser : chacun a ses réalités. Il y a la carrière dune part, et les différents projets de vie de lautre. Du point de vue des entreprises, il y a des multinationales et des entreprises locales sur place qui intègrent des personnes issues de la diaspora, grâce à des politiques pour expatriés. De nombreux RH commencent même à réduire certains coûts pour engager des personnes de la diaspora. Je crois aussi quil ne faut pas regarder les choses avec le complexe du sauveur : rentrer en Afrique implique de sadapter à de nouvelles réalités, qui ne sont pas nécessairement celle que vous trouverez en Europe, ou aux EtatsUnis, mais qui sont tout aussi différentes et demandent à faire preuve dadaptation et dimplication

D’IMPLICATION?

Je pense que le retour en Afrique se prépare en amont. Prendre la peine de sy reconnecter, y voyager quelquepeu à lannée, se construire un réseau solide dans son secteur, et réapprendre à sintégrer sont des initiatives importantes. Il est dautre part préférable davoir dores et déjà trouvé un poste avant de revenir sinstaller. Enfin, apprendre à se vendre reste important, notamment pour convaincre un employeur et négocier des aménagements en fonction de nos différentes réalités. Avoir des compétences est une chose, les mettre en valeur pour développer un réseau en est une autre

QUELLES SONT POUR VOUS LES ÉTAPES NÉCESSAIRES VERS UNE RÉUSSITE PROFESSIONNELLE ?

Pour moi, la base est de se connaître, il faut savoir ce pour quoi on est fait. Quand lon se connaît, on arrive à définir ce sur quoi repose notre existence, et lobjectif est de se projeter sur un outil. Il faut se poser des questions essentielles : « Quel est lenvironnement ou le cadre qui va me permettre de me développer ? » ,« Quel est le cadre qui va me permettre de développer ces prédispositions ? » 

Ensuite, il faut sentourer de personnes qui ont réussi dans notre domaine. Il faut gagner en temps et faire des expériences, pour bénéficier dune sagesse. On gagne vraiment si lon a un bon entourage et un bon mentorat. Pour finir, il faut apprendre à rechercher la bonne information, car beaucoup ne savent pas ou la chercher ou la reçoivent en retard, ce qui peut faire perdre du temps

 

Aurélie Kouman – Journaliste