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Moussa Touré : "Mon attachement au continent africain est fort, mais je voulais aussi faire en sorte qu'en utilisant Mayyan, chaque personne puisse être actrice du changement".

Avec Mayyan, l’entrepreneur se lance le défi d’impacter 500 000 personnes sur le continent d’ici 2030.

Et si chaque clic effectué sur votre moteur de recherche permettait de contribuer à l’électrification de l’Afrique, à l’accès à l’eau potable de ses populations ou encore à la construction d’hôpitaux ? Voici ce que Moussa Touré propose par le biais de Mayyan, un moteur de recherche social développé afin de générer des revenus, dont 30% reviennent à des associations africaines. Un projet d’envergure qui comptabilise déjà plus de 80 000 utilisateurs. Rencontre.  

BONJOUR MOUSSA TOURÉ. VOUS ÊTES ENTREPRENEUR, ET À L'INITIATIVE DU PROJET MAYYAN, DEPUIS 2020.

Bonjour. Je suis effectivement entrepreneur et fondateur du moteur de recherche Mayyan depuis quelques bons mois maintenant. 

QUE DOIT-ON SAVOIR DE VOUS ?​

Vous voulez la version courte, ou la version longue?

TOUTES LES VERSIONS SONT ACCEPTABLES. COMMENÇONS PAR VOTRE PARCOURS, PAR EXEMPLE ?

Mon parcours est semé d’embûches. J’ai effectué un BTS en négociations et relation clients avant d’arrêter mes études pendant trois ans pour faire différents petits boulots. J’ai ensuite intégré une école de commerce dont j’ai été diplômé d’un master.

POURQUOI AVOIR DÉCIDÉ DE MONTER UN MOTEUR DE RECHERCHE SOCIAL ?

J’ai toujours été passionné de moteurs de recherches et d’informatique. Après avoir déjà entendu parler de moteurs de recherches sociaux écologiques comme Lilo ou Écosia, je me suis demandé comment je pouvais contribuer à mon échelle. Chaque année j’ai pu atteindre différents paliers de confiance grâce à plusieurs rencontres et expériences, et j’ai créé Mayyan dans ce sillage après avoir monté une première boîte qui m’avait révélé que c’était ce que j’aimais faire : initier et entreprendre. 

Bien sûr, cela ne s’est pas fait en un seul coup de tête. Il a fallu maturer l’idée.

EN QUELQUES MOTS, QU'EST-CE QUE MAYYAN, ET COMMENT CELA FONCTIONNE CONCRÈTEMENT ?

Mayyan est un moteur de recherche social qui fonctionne presque comme tous les autres, c’est-à-dire en faisant des recherches classiques. Sa particularité est qu’à chaque recherche, une publicité apparaît, et cliquer dessus permet de récolter entre 20 et 50 centimes d’euros. 30% des sommes récoltées sont ensuite reversées au sein de projets à but non lucratifs que nous avons choisis minutieusement et qui agissent sur des problématiques précises qui participent au développement du continent africain. Par exemple, entre 2020 et 2023, nous avons décidé de nous focaliser sur les solutions relatives à l’accès à l’eau, l’agriculture et l’électrification du continent.

POURQUOI AVOIR CHOISI D'APPELER VOTRE PROJET AINSI ?

Mayyan tire son origine du prénom de Maya Angelou qui est une femme que j’admire énormément. Elle est connue pour ses livres et ses poèmes, mais l’on oublie également qu’il y a une partie militante du personnage qui a lutté avec Malcom X pour l’émancipation du peuple Noir, et qui a notamment beaucoup voyagé sur le continent africain.

TOUT PROJET TOURNE AUTOUR D'AILLEURS AUTOUR DE ÇA : VOTRE ATTACHEMENT À L'AFRIQUE.

Je connais très peu d’africains qui ne sont pas intéressés par le développement de leur continent. Je pense que tout le monde souhaite agir comme il le peut. Initier Mayyan entrait aussi dans une dimension de quête de sens pour moi : j’avais besoin de faire quelque chose qui avait un impact. La conscience de mon africanité a bien évidemment joué un rôle important : ma mère est originaire du Mali et mon père du Sénégal. Mon premier voyage au Mali s’est fait lorsque je devais avoir entre quatre et cinq ans, et ma famille et moi allons au Sénégal à peu près tous les ans. Mon attachement au continent est fort, mais je voulais aussi faire en sorte qu’en utilisant Mayyan, chaque personne puisse être actrice du changement.

COMMENT CHOISISSEZ-VOUS LES ASSOCIATIONS AUXQUELLES VOUS REVERSEZ LES FONDS ?

Nous avons choisi trois associations qui se doivent de répondre à plusieurs critères dont deux très importants : il faut qu’elles aient au moins trois ans d’existence car c’est plus facile en terme de processus; et elles doivent être autonomes et donc pouvoir s’auto-financer sans l’apport de Mayyan. Nous avons également au sein de nos équipes un « asso-tracker » chargé de faire un suivi afin d’avoir une nette transparence sur l’utilisation des fonds que nous reversons.

VOTRE SECTEUR EST DOMINÉ DE FAÇON ÉCRASANTE PAR GOOGLE, QUI MONOPOLISE 81% DES PARTS DE MARCHE. COMMENT SE FAIRE UNE PLACE DANS L’ESPRIT DES UTILISATEURS? QUELLES ONT ÉTÉ VOS PREMIÈRES REFLEXIONS SUR LE SUJET?

Notre travail est de rechercher le plus d’opportunités possibles et de résoudre des problématiques. C’est vraiment cela qui nous intéresse et ce sur quoi nous plaçons notre focus. Nous ne cherchons pas les 81% de Google, mais plutôt les 20% restants. La dimension sociale est également importante car elle est au coeur du projet. Concernant l’expérience utilisateur, notre but est de constamment proposer et innover en termes de templates, logo, et de qualité des résultats d’informations. Nous avons encore beaucoup d’idées pour améliorer ce qui est déjà fait.

 


VOUS AVEZ TRAVAILLÉ À MICROSOFT EN TANT QUE CYBERSECURITY PRODUCT MANAGER. QUE PEUT APPORTER UNE TELLE EXPERIENCE PROFESSIONNELLE?

Je dirais que c’était une société de fou, dans le bon sens du terme. Je pense qu’il s’agit d’une des expériences les plus formatrices de ma vie, jusqu’à présent. Dans ce type de boîtes, on est tout de suite projetés dans un esprit de  « growth mindset » où il faut constamment trouver des solutions pour avancer ensemble.  Il faut donc penser de façon efficace. Lorsque j’y allais, j’avais vraiment l’impression de voir des mini start-ups tout autour de moi. Cela m’a clairement fait avancer en terme de vision dans ma vie professionnelle mais également à l’extérieur.

AVEZ-VOUS EU D’AUTRES EXPERIENCES QUI ONT MARQUÉ VOTRE PERCEPTION, ET VOTRE VISION?

Oui. Après mes études, pendant mon gap, j’ai travaillé en tant que chauffeur Uber. Le monde serait surpris des choses que l’on apprend en faisant ce type de métier. Même s’il s’agissait d’un travail qui me servait principalement à gagner de l’argent, je trouvais beaucoup d’intérêt à écouter et discuter avec les différents clients que je pouvais rencontrer.

 

Un jour, j’ai rencontré la mère d’un ami, directeur de chez LG, avec qui j’eus une très belle discussion et qui m’encouragea à reprendre mes études, et à apporter de la valeur ajoutée. Je viens d’une famille assez modeste, et je n’avais pas forcément un schéma qui m’autorisait à rêver grand, c’est aussi par le biais de ce type de rencontres que j’ai réussi à passer certains paliers de confiance.

QUELLES SONT LES QUALITÉS NÉCESSAIRES POUR ENTREPRENDRE, SELON VOTRE EXPÉRIENCE ?

Il faut avant tout être solide d’esprit, et ne pas avoir peur de se projeter. En tant qu’entrepreneurs nous avons des hauts et des bas incroyables. Il faut donc accepter l’idée que les choses ne se passent pas nécessairement comme prévu et qu’il faut apprendre à rebondir, et essayer de voir loin. Dans le cadre de Mayyan par exemple, nous n’hésitons pas à nous donner constamment des objectifs à atteindre et à voir loin. Notre objectif est par exemple d’arriver à 2,000,000 utilisateurs avant 2022 et d’impacter 500,000 vies à changer avant 2030. 

 

Aurélie Kouman – Journaliste